Les Bryozoaires sont des animaux aquatiques, majoritairement marins. Ils forment des colonies qui, sauf exception, vivent fixées au substrat telles que algues, roches, carapaces de crustacés, gorgones... Ils se présentent sous de nombreuses formes, dressée et branchue, en lame, massive ou plus généralement encroûtante. L'apparence de ces espèces rappelle alors celle de la mousse d'où leur nom, bryozoaire (du grec βρύον, bryon = mousse et ζῷον, zoon = animal).
On connaît environ 5900 espèces vivantes et plus de 20 000 espèces fossiles,
le plus ancien fossile connu Pywackia baileyi datant de -491 millions d'années (Cambrien supérieur) provient du sud du Mexique.
Les Bryozoaires marins vivent dans tous les océans depuis la surface jusqu'aux abysses à plus de 6000 mètres de profondeur.
Toutefois, c'est sur le plateau continental que l'on rencontre la plus grande diversité d'espèces,
en particulier dans la zone des 30 à 60 mètres de profondeur.
Les Bryozoaires sont un des groupes dominants qui occupent toute sorte de substrat et servent à leur tour d'habitat pour de nombreuses espèces.
Ils jouent ainsi un rôle primordial dans le peuplement des fonds marins et contribuent largement à la beauté des paysages sub-aquatiques.
Les espèces dulcicoles, peu nombreuses (86 espèces recensées à l’échelle mondiale dont 19 en Europe),
sont rencontrées jusque dans les lacs de montagne à plus de 2000 mètres d'altitude.
Certains Bryozoaire tel que Cellepora pumicosa ressemblent à de la mousse, WBN.
les Bryozoaires sont des animaux coloniaux. Les colonies, dont la taille dépasse couramment plusieurs centimètres, sont constituées
d'une multitude d'individus qui mesurent chacun moins d'un millimètre.
Ces colonies se développent à partir d'une larve qui, après une courte vie planctonique (1 à 15 jours),
se fixe et se métamorphose en un individu appelé ancestrule ou oozoïde.
Ce premier individu, souvent de petite taille, bourgeonne et engendre un ou plusieurs individus,
les blastozoïdes qui restent unis les uns aux autres et qui à leur tour bourgeonnent également de nouveaux blastozoïdes.
Chacun de ces individus, oozoïde et blastozoïde est désigné sous le nom de zoécie ou plus simplement zoïde et
l'ensemble de la colonie est parfois appelée zoarium ou, là encore plus simplement, colonie.
Les Bryozoaires sont des animaux filtreurs, ils se nourrissent d'organismes planctoniques, principalement des diatomées
(les Bryozoaires sont essentiellement végétariens) qu'ils capturent à l'aide de leur panache de tentacules ciliés appelé lophophore.
Ils ne possèdent pas de système respiratoire, les échanges gazeux s'effectuent par le biais du lophophore
et ils ne possèdent ni appareil circulatoire ni appareil excréteur.
Grande colonie du Bryozoaire Pentapora foliacea communément appelé rose de mer. Iles Glénan, France, 15 mètres, WBN.
La zoécie ou autozoécie est composée de deux parties, une logette ou cystide et un polypide.
Le cystide, c'est à dire la logette, se développe en premier. Il prend l'aspect d'une boîte, soit tubulaire,
soit plus ou moins rectangulaire, composée à sa périphérie d'une paroi rigide de nature chitineuse, gélatineuse ou calcifiée.
Cette paroi est produite par la couche de tissus interne, l'ectoderme qui elle-même est doublée intérieurement d'un mésoderme.
En l'état, le cystide est creux et présente en son centre une cavité cœlomique (les bryozoaires sont des coelomates)
mais il est incapable de se nourrir. Une fois formé, le cystide produit un polypide. Celui-ci se développe par bourgeonnement du mésoderme.
Le polypide désigne l'ensemble de l'organisme contenu dans le cystide, il se présente comme un intestin en forme de u portant
à une de ses extrémités un panache de tentacules (le lophophore) avec en son centre la bouche. A l'autre extrémité s'ouvre l'anus qui débouche à l'extérieur du panache
de tentacules.
La position particulière de l'anus à l'extérieur du panache est à l'origine
du terme d'ectoprocte (du grec ektós = dehors et prōktós = anus) régulièrement attribué aux bryozoaires.
Le polypide flotte littéralement dans la cavité du cystide. Il est maintenu dans sa partie haute, sous le panache de tentacules, par une colerette prolongée par une membrane et
à l'intérieur de la logette, par plusieurs faisceaux de muscles.
Schéma d'une zoécie de Bryozoaire, WBN.
Le polypide peut, par une ouverture, déployer son lophophore (panache de tentacules) hors du cystide pour capturer la nourriture.
Ce déploiement est lent et s'effectue sous l'action de muscles, grâce à l'augmentation de la pression à l'intérieur du cystide.
Puis d'autres muscles, dits muscles rétracteurs, permettent au cystide de rapidement se rétracter dans sa logette.
Parfois un opercule vient fermer l'orifice par lequel sort le lophophore. Quand cet opercule n'existe pas,
un sphincter musculaire ou une collerette vient obstruer l'ouverture.
Le lophophore qui forme le panache de tentacules est creux et muni de cils vibratiles. L'action de ces cils entraîne le flux d'eau et la nourriture,
diatomées et autres organismes planctoniques, vers la bouche où elle est ingérée.
Le polypide ne possède pas d'organe d'excrétion et les déchets de la nutrition
s'accumulent dans le polypide qui agit un peu comme un rein d'accumulation. L'accumulation de ces déchets, qui finissent par être toxiques,
conduit à la dégénérescence et à la mort du polypide qui se transforme en corps brun non fonctionnel.
Privé de polypide, le cystide (la logette) encore vivant bourgeonne un nouveau polypide qui remplace l'ancien.
Suivant les espèces, le corps brun est évacué ou alors sera digéré par le nouveau polypide.
Sur une algue, colonie du Bryozoaire Flustrellidra hispida, lophophores déployés. Rade de Brest, France, 4 mètres, WBN
Comme de nombreux organismes marins coloniaux, les Bryozoaires alternent deux modes de reproduction, l'un sexué et l'autre asexué.
La reproduction sexuée se produit sans accouplement. La fecondation des œufs est interne, probablement à partir de gamètes mâles libérées dans la colonne d'eau
mais il y a sans doute aussi autogamie (autofécondation).
Après fécondation, les œufs sont évacués, soit par un pore génital ou un organe inter-tentaculaire situé dans le lophophore,
soit quand ces organes n'existent pas, par dégradation de la zoécie en fin de vie.
Certaines espèces libèrent leurs œufs dans l'eau avant qu'ils ne se métamorphosent en larves nageuses
alors que d'autres conservent assez longtemps leurs œufs dans la cavité zoéciale ou dans des chambres d'incubation spéciales, les ovicelles,
pour ne les expulser qu'à l'état de larve plus développée.
Après une phase planctonique qui lui permet de terminer son développement, la larve ciliée se fixe sur un support puis se transforme en un cystide fondateur,
l'ancestrule (ou oozoïde).
Colonie de Bryozoaires portant de nombreuses ovicelles en forme de casque, WBN.
La reproduction asexuée par bourgeonnement permet de développer toute une colonie à partir d'une seule larve.
Elle peut suivant les groupes présenter certaines variantes, nous prendrons l'exemple des Gymnolèmes (voir classification) pour expliquer le développement de la colonie.
Une fois fixée, l'ancestrule bourgeonne le premier polypide et devient ainsi la première zoécie de la colonie.
Cette particularité est constante chez les Gymnolèmes, la formation du cystide (de la logette) précède toujours celle du polypide (l'élément contenant le lophophore et l'anse digestive).
Cette ancestrule produit ensuite, par bourgeonnement, un cystide qui à son tour produit un polypide pour former une nouvelle zoécie
qui bourgeonnera à son tour un nouveau cystide et ainsi de suite...
la zone de bourgeonnement peut être parfois très localisée ce qui explique l'organisation linéaire de certaines colonies.
Les zoécies sont reliées entre elles à travers les plaques en rosette, par un funicule ramifié dont le rôle est
de véhiculer les métabolites et de synthétiser des protéines. Il distribue ainsi les substances nutritives à travers toute la colonie et notamment
aux zoécies en cours de bourgeonnement ou de régénération du polypide.
Un autre mode de reproduction asexuée destiné à perpétuer l'espèce sera abordé dans le chapitre consacré aux Phylactolèmes (voir classification).
Colonie du Bryozoaire Membranipora membranacea, avec en bordure sa marge de croissance composée de zoécies en cours de formation. Pointe de Trévignon, France, 8 mètres, WBN.
Les colonies de bryozoaires peuvent présenter des zoécies aux fonctions très spécialisées.
Les autozoécies sont les unités de base. Elles sont munies d'un lophophore, ont la capacité de filtrer l'eau, d'attraper des proies et de se nourrir.
A celles-ci se joignent, chez de très nombreuses espèces, des zoécies très spécialisées qui elles aussi participent au fonctionnement de la colonie.
Elles sont regroupées sous le nom d'hétérozoécies. Dépourvues de polypides,
ces zoécies ne sont alimentées que par la voie funiculaire à travers les plaques en rosette (voir paragraphe précédent consacré à la reproduction asexuée).
Les cénozoécies sont des zoécies sans polypide qui, reliées les unes aux autres, forment un stolon sur lequel vont se développer les autozoécies.
Les aviculaires présentent un rostre et une mandibule, l'organe ressemble à un bec d'oiseau. Ils basculent, actionnés par de puissants muscles
pour enlever les débris tombés sur la colonie et la défendre des prédateurs.
Les vibraculaires sont des aviculaires modifiés dont la partie inférieure s'est démesurément allongée. Ils agissent comme un fouet
et agitent l'eau pour éliminer le limon qui se dépose sur la colonie.
Les ovicelles ou oécies en forme de casque sont des chambres d'incubation où se développent les futures larves.
Schéma d'une colonie de type bugule munie zoécies spécialisées, WBN.
L'immobilité des Bryozoaires en fait des proies faciles pour de nombreux prédateurs, brouteurs ou gratteurs de substrat.
Plusieurs vers annélides, mollusques gastéropodes, crabes, pycnogonides, oursins et poissons ont la réputation de se nourrir de Bryozoaires sans nécessairement
faire de distinction dans l'espèce choisie.
Pour certains tels que les poissons herbivores, la prédation de Bryozoaires peut être accidentelle,
ceux-ci étant ingérés en même temps que le végétal sur lequel ils se développent.
A l'inverse, d'autres prédateurs présentent un régime alimentaire limité à une ou seulement quelques espèces de Bryozoaires,
c'est le cas de nombreux mollusques nudibranches, par exemple (mais la liste pourrait être très longue)
le Nudibranche Polycera quadrilineata se nourit principalement du Bryozoaire Membranipora membranacea ;
Crimora papillata est le prédateur principal de Chartella papyracea et Atalodoris neapolitana s'alimente des zoïdes de Schizobrachiella sanguinea,
il passe alors inaperçu sur les colonies de ce bryozoaire encroutant grâce à un mimetisme très poussé.
La réponse défensive des Bryozoaires face à la prédation a été très peu étudiée.
En 1986, J. Winston a observé en laboratoire que les aviculaires de Bryozoaires pouvaient attaquer de petits prédateurs
tels que des annélides et coordonner leurs mouvements pour défendre la colonie.
Certains Bryozoaires peuvent également modifier leur structure pour empécher la prédation, par exemple C. Drew Harvell (1984) a démontré qu'en présence de nudibranche
prédateurs, Membranipora membranacea developpait rapidement de longues épines à la surface de toute la colonie limitant ainsi la surface de prédation.
Polycera quadrilineata se nourissant du Bryozoaire Membranipora membranacea, WBN.
Texte : © Wilfried Bay-Nouailhat, Anne Bay-Nouailhat © 2022.
Photographies : © Wilfried Bay-Nouailhat. Publiées avec son aimable autorisation.
Illustrations : © Wilfried Bay-Nouailhat. Publiées avec son aimable autorisation.
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Les auteurs
Plongeur - Naturaliste
Photographe Sous-Marin
Chargée d’études en environnement marin
Plongeuse professionnelle - Naturaliste
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